Douleurs chroniques et dépression sont fréquemment associées. Leurs liens complexes sont de mieux en mieux documentés. Il est entre autre connu que la dépression s’accompagne d’une augmentation du nombre et de l’intensité des plaintes douloureuses. Réciproquement, la présence de douleurs complexifie le diagnostic et aggrave le pronostic de la dépression. La question de la poule et de l’œuf, souvent posée, reste sans réponse univoque et mérite d’être dépassée. La prise en soins des patients passe par la reconnaissance des diverses facettes de leur souffrance, dans un modèle holistique de type bio-psycho-social, tenant compte de l’irréductible singularité des cas. Les traitements proposés, notamment les antidépresseurs, associé à une psychothérapie (TCC, EMDR etc..) sont à la base de la prise en charge. Pour autant de récent travaux confirme que l'activité physique est tous aussi efficace que les traitements antidéprésseurs.
Épidémiologie
La fréquence de la comorbidité entre douleurs chroniques et dépression va bien au-delà de la cooccurrence attendue de ces deux pathologies, elles-mêmes fréquentes. On retrouve dans la littérature que 20 à 50% des patients atteints de douleurs chroniques présentent les critères d’un épisode dépressif majeur.
Prise en charge
Si elles sont indispensables sur le plan théorique, les réflexions ci-dessus ne s’avèrent pas forcément très efficientes pour aborder un patient donné, tenant compte de l’irréductible singularité de chaque situation.
Les patients qui associent des plaintes douloureuses durables et une symptomatologie dépressive plus ou moins criante sont souvent qualifiés de difficiles.
Respecter et légitimer la plainte
Une attitude guidée par le respect du symptôme douloureux, reconnu d’emblée comme pénible, avec une investigation étiologique soigneuse, reste évidemment la base de la prise en soins. Cette première phase de soins va habituellement déboucher sur la prescription d’une antalgie, voire d’un traitement curatif en fonction de la pathologie organique. Une large place sera donnée à la physiothérapie visant à interrompre le cercle vicieux du déconditionnement physique et de la peur de la douleur. En cas d’effet bénéfique de ces traitements sur la douleur, on observe souvent une régression simultanée des symptômes dépressifs.
Elargir la plainte, aborder la souffrance
Pourtant, il arrive aussi fréquemment que le patient revienne avec des symptômes inchangés, voire avec de nouvelles plaintes potentiellement liées aux effets secondaires des traitements. D’où la nécessité dès le début de la prise en soins d’élargir la plainte douloureuse en se montrant sensible à la souffrance qu’elle peut certes engendrer mais aussi parfois recouvrir. Il ne faut jamais perdre de vue que plus de la moitié des patients souffrant de dépression consultent leur médecin avec des plaintes initialement exclusivement somatiques, majoritairement des douleurs.21 Diverses échelles de dépistage de la dépression peuvent être utilisées, bien documentées et prenant en compte le double écueil de manquer d’identifier la dépression en présence de plaintes majoritairement somatiques ou à l’inverse de poser un diagnostic erroné de dépression sur la base de symptômes pouvant être l’unique conséquence des douleurs.22 Au-delà du choix de l’outil diagnostique, le plus important est selon nous d’inclure dans l’anamnèse une recherche systématique des symptômes dépressifs, basée par exemple sur les critères CIM10 (tableau 1), visant autant à évaluer l’ampleur de la souffrance psychique qu’à établir un diagnostic éventuel de dépression.
Offrir des approches spécifiques
Certains patients seront soulagés de l’opportunité donnée d’aborder leur détresse psychique et rapidement motivés à une prise en soins spécifique, idéalement médicamenteuse et psychothérapeutique.
Les méta-analyses confirment que les antidépresseurs peuvent apporter d’importants bénéfices, tant par leur effet antidépresseur proprement dit que par leur effet élévateur du seuil de la douleur. Ils doivent être prescrits en prenant soin de détailler leur indication, leur effet attendu mais aussi leurs effets secondaires. Les molécules plus récentes à double action sérotoninergique et noradrénergique en constituent des alternatives.
Les techniques de relaxation et l’hypnose, en général bien acceptées parce que laissant une large place au corps et pouvant être pratiquées par tout médecin ayant suivi une formation spécifique, sont également d’un bénéfice reconnu.
Le travail psychothérapeutique, non détaillé dans le cadre de cet article, nécessite quant à lui généralement de référer le patient à un psychothérapeute.
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